Un syndicat « radical et pragmatique » ?

dimanche 12 octobre 2003

A sa création en 1996, SUD éducation s’est défini comme « radical et pragmatique ». Le terme « pragmatique » fait débat aujourd’hui, en raison du sens originel du « pragmatisme » philosophique. Ce débat est à notre image : celle d’un syndicat pluraliste qui s’interroge tout en allant de l’avant.


Le syndicalisme en voie d’émergence dans les différentes initiatives SUD en général et SUD Education en particulier bouscule les anciennes oppositions du type « réformistes / révolutionnaires » ou « catégoriels / généralistes ». Se dessine peu à peu un syndicalisme tout à la fois radical et pragmatique.

Radicaux, car pour agir ici et maintenant pour changer les choses, il nous faut avoir en tête la possibilité d’un « au-delà » à la société existante. Ceux qui pensent que l’injustice établie constitue un destin inéluctable sont peu armés pour faire bouger significativement les choses, car ils ont déjà mentalement perdu. Une autre société est possible : la radicalité de ce message permet de mettre en perspective nos actions quotidiennes. Le syndicalisme SUD se cale donc sur l’ambition d’une société non capitaliste, où des valeurs de justice sociale et de démocratie pourront s’épanouir. Un tel syndicalisme est donc « généraliste », car il porte un projet de société, bâtissant de nouveaux liens de solidarité entre différents groupes dominés (salariés à statuts précaires, et chômeurs, femmes, exclus de l’accès aux biens culturels,...).

Pragmatiques, car nous sommes fatigués tant du Grand Soir qui ne vient jamais des « révolutionnaires professionnels » que des « réformistes professionnels ». Puisque de toute façon, ni les uns ni les autres ne sont capables de nous dire ce que sera cette fameuse « autre société »,commençons par la construire ici et maintenant dans nos revendications (créations de postes, réduction du temps de travail, ...), dans les expériences tentant fragilement de montrer que d’autres pratiques sont déjà possibles (dans sa classe, son établissement, son entreprise), dans les mobilisations interprofessionnelles. Enracinons-nous dans les réalités de terrain de nos métiers et professions (comme l’a fait SUD-PTT) tout en élaborant des liens avec les autres professions comme avec les exclus du marché du travail.

Ne nous faisons pas trop d’illusions sur ce qui est « gagnable », dès maintenant, en gardant donc à l’esprit la visée d’une transformation sociale radicale de la société, mais n’attendons pas plus des marchands d’illusions « révolutionnaires » ou « réformistes » qu’un futur meilleur nous tombe tout cuit dans le bec. Elaborons dans nos luttes d’aujourd’hui l’avenir, sans rester englués dans la société telle qu’elle est. Radical et pragmatique donc.

PC, 1996


Les mots sont des idées induisant telles ou telles actions. Il faut savoir que le PRAGMATISME est un courant philosophique né aux USA à la fin du XX° siècle, avec Ch. Pierce puis W. James. Pour faire court : il refuse la spéculation intellectuelle comme but, considère le vrai comme « ce qui est avantageux pour notre pensée », « ce qui réussit » selon W. James. Le pragmatisme a contribué au renouvellement philosophique : exigence de mise à l’épreuve des idées ; rupture avec des pensées centrées sur la métaphysique (entre autres le spiritualisme de Ravaisson et Lachelier en France). En même temps, ce courant a correspondu à l’idéologie et aux actes du capitalisme libéral triomphant aux USA : « réussite » à court terme (cf la crise de 1929) par la croissance à marche forcée dans des usines-bagnes.

Un siècle plus tard, pragmatisme et pragmatique sont entrés dans la langue courante, véhiculés par les politiciens et les médias, consciemment ou pas. C’est qu’un pragmatisme appauvri est venu sur le devant de la scène, comme l’idéologie de justification de la politique « libérale » des gouvernements à l’échelle mondiale ; et ce, avec l’alibi de la terrible faillite du pseudo-« socialisme » en URSS et ailleurs. On objectera que « pragmatique » a plusieurs sens. Bien sûr, sauf que le sens dominant est bien : qui est soucieux d’efficacité ; sans référence théorique. Là naissent les équivoques : efficacité pour qui, de quoi, selon quelle durée ? Par ailleurs les références existent toujours, connues ou non, et elles sont nécessaires à titre de reprise critique.

A juste titre, les SUD se veulent syndicats de terrain, engagés dans les mouvements sociaux et les luttes quotidiennes. Et non des bureaucraties de cogestion, figées dans leurs dogmes. Pour autant, est-ce un syndicalisme « pragmatique » ? Surtout pour une jeune organisation, ce serait privilégier l’efficacité immédiate : « réussir » à être partout en se dispersant au détriment de l’implantation dans notre secteur spécifique, l’école. Ce serait céder à la frénésie actuelle, liée au capitalisme en restructuration (pardi, « le temps, c’est de l’argent » !), au lieu de définir précisément des tâches et de s’y tenir autant que possible. Il vaudrait mieux renoncer à une appellation douteuse : plutôt que « pragmatique », dire et continuer à faire un syndicalisme VIVANT, refusant des modèles ossifiés. Il y a mieux à trouver comme vocable que ce « vivant » plutôt plat ! En tout cas, ce n’est pas une pure question de mot.

FC, 2003


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