Casse des statuts

vendredi 19 décembre 2003

Casse des statuts et fin de l’enseignement professionnel scolaire, par Laurent Joly, section SUD Education, Lycée professionnel Françoise

Alors que tous les projecteurs sont dirigés sur le « Grand débat sur l’école » le Ministère vient d’engager une série de négociations. Les thèmes abordés démontrent que le contenu de la réforme à venir est déjà orienté dans le sens de la casse des garanties collectives, que cela soit celles des personnels comme celles des usagers.

Fin novembre se sont tenus au Ministère des Groupes de Travail sur 5 thèmes :
- GT1 : « Les débuts de carrière des enseignants »
- GT2 : « Diversifier les modalités d’enseignement et élargir le champ d’intervention des enseignants »
- GT3 : « Dispositifs de respiration ou de réorientation professionnelle »
- GT4 : « Le suivi et l’aide aux enseignants en difficultés »
- GT5 : « L’aménagement du temps de travail »

3 de ces groupes de travail ne sont que des gadgets venant compléter ce qui constitue le point fort des propositions avancées par le Ministère : le GT2 et le GT5 qui posent clairement la question de la modification radicale des statuts et de la finalité de l’Education nationale.

Flexibilité et polyvalence :

Ainsi, au titre des « pistes de réflexion sur la diversification des modalités d’enseignement » le Ministère propose deux réformes profondes :
- "permettre aux profeseurs du second degré d’exercer volontairement dans leur discipline dans le type d’établissement de leur choix, après éventuellement un temps d’adaptation : des certifiés et agrégés en LP, des PLP en collèges, en classes post bac...
- dans le même esprit, favoriser le temps partagé d’enseignement aux élèves entre tous les types d’établissements du second degré et entre les niveaux d’enseignement : des professeurs des écoles au collège, des professeurs du second degré dans les écoles primaires (langues...) des professeurs du second degré en lycée et en premier cycle universitaire..."

Il est évident pour nous que cette « expérimentation » n’est en fait qu’une première phase vers la suppression des statuts et la polyvalence des fonctions.

Mais les visées du Ministère sont encore bien plus ambitieuses car il propose ni plus ni moins que de « favoriser les services mixtes d’enseignement : formation initiale des élèves et formation continue des adultes, lycée professionnel et CFA public, enseignement aux élèves et à des professeiurs à l’IUFM, enseignement en classe et enseignement à distance ».

Cette proposition n’est pas tombée du ciel. Le parlement est sur le point de voter la loi sur la Formation professionnelle qui crée un nouveau « contrat de professionnalisation ». Le gouvernement parle de créer 500 000 contrats de ce type en deux ans. Ce qui est totalement impossible sans faire basculer de nombreux élèves, étudiants et chômeurs vers ce « statut » de salariés en formation par alternance. Il faut ajouter que le contenu de ces contrats sera individualisé et donc défini par chaque patron.
Pour mettre en place cette réforme il est nécessaire de créer les conditions d’accueil dans les établissements publics et adapter le statut des enseignants à ces nouvelles fonctions.

C’est d’ailleurs ce que propose le document de travail du Ministère afin d’assurer la « mise en oeuvre » de ces propositions :
« Les statuts des personnels doivent permettre ces possibilités et les règles de gestion être modifiées en conséquence. Les modalités d’adaptation en cas de changement de niveau d’enseignement ou de type d’établissement seront à examiner. La juxtaposition de deux types d’intervention pédagogique pour les services partagés et mixtes d’enseignement demande une étude particulière.
L’intervention de PLP en collèges, autres que dans les SEGPA, implique une réflexion sur leur rôle dans les voies de professionalisation au collège et la place de la bivalence à ce niveau d’enseignement.
Dans tous les cas seuls les enseignants volontaires seront concernés. Les procédures d’affectation ou d’attribution des services respecteront les principes de transparence et d’équité de traitement ».

Nous ne sommes pas dupes sur le caractère du « volontariat ». Une fois que les statuts seront modifiés, il sera possible de faire pression sur les collègues pour imposer la flexibilité. Ne serait ce qu’en menaçant de supprimer des postes. Qui serait d’ailleurs assez fou pour accepter cette polyvalence alors que les enseignants sont déjà submergés de travail et épuisés par les tâches de suivis des élèves ?

Il est également précisé que ces « nouvelles tâches devraient être reconnues statutairement » mais également liés à des « cahiers des charges dans le contexte et les objectifs de l’académie ».

Flux tendu et aménagement du temps de travail

Autre garantie à faire disparaître, les horaires : « Les règles actuelles de gestion du temps de travail sont calées pour les enseignants sur des services hebdomadaires. L’objectif de cette réflexion est d’offrir des possibilités nouvelles, au libre choix des enseignants, et en aucun cas d’imposer un nouveau cadre de travail pour tous ».
Bien des salariés du privé ont déjà gouté, dans le cadre des lois Aubry sur les 35 heures, aux joies de la « flexibilité au service des salariés ». L’aménagement du temps de travail est un outil utilisé par les patrons pour gérer la main d’oeuvre à flux tendu en fonction des besoins de service et pour réduire la masse de main d’oeuvre.

Les pistes de réflexion avancées par le ministère vont d’ailleurs dans ce sens :
- « mise en oeuvre de l’annualisation du temps partiel »
- « dispositif de mise en réserve d’HSA pour aménager son temps de travail
- « possibilité d’aménager le temps de travail sur tout ou partie de la carrière ».
Et si l’on n’avait pas compris la « mise en oeuvre » précise : « les dispositifs de gestion devraient permettre de suivre des possibilités de comptabilisation individualisée du temps de travail sur des périodes longues ».

L’aménagement du temps de travail est bien sur envisagé pour faciliter la mise en place de la polyvalence. Mais il est surtout indispensable afin d’adapter les services des enseignants aux nouveaux publics auxquels ils devront se consacrer : jeunes en alternance, demandeurs d’emplois, contrats de professionalisation, validations des acquis de l’expérience, enseignement par internet, tutorat de salariés en formation continue,...
Les services fixés à l’année n’avaient de sens que dans le cadre de la formation initiale (scolaire) basée sur des diplômes nationaux. Or la loi sur la formation professionnelle supprime la distinction entre formation initiale (scolaire ou en alternance) et formation continue. Elle officialise la « formation tout au long de la vie » . Les enseignants (désignés désormais comme « formateurs ») devront s’occuper de jeunes en alternance avec des formations très réduites et annualisées. Ils devront également assurer l’adaptation des salariés à l’évolution des postes dans les entreprises, et ceci par des formations de courtes durées, à flux tendu, individualisées et là aussi sans référence annuelle.

Nous refusons cette logique de déqualification !

* Pour le droit à la formation diplomante pour tous les jeunes et tous les salariés,
* Pour le maintien des statuts des enseignants et formateurs (GRETA, AFPA,...)

Nous demandons aux syndicats de refuser de siéger dans les Groupes de travail.
Nous exigons également des confédérations syndicales signataires de l’accord sur la formation professionnelle (FO, CFDT, CGT, CGC, CFTC) de retirer leur signature puisqu’elles ne nous ont pas consultés. Car cet accord honteux légitime la loi sur la formation professionnelle qui ne fait que reprendre le projet du MEDEF validé par cet accord.


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