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En France aussi, le fléau de la dette, par D. Millet
jeudi 8 décembre 2005

La dette est un fléau mondial, qui organise la captation de la richesse collective au profit d’une poignée de milliardaires... Et les "réponses" UMP à ce problème sont de fausses solutions. Article de Damien Millet, président du CADTM France (Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde), auteur de L’Afrique sans dette, CADTM/Syllepse, 2005.

Les chiffres publiés dans la presse récemment indiquent que la dette publique française atteint 2 000 milliards d’euros, si l’on prend en compte les engagements de l’Etat sur les retraites dans la fonction publique. Cette publication cache mal de sombres calculs politiciens, dans le but de nourrir les attaques contre le corps des fonctionnaires, mais tel n’est pas ici le propos. Si la classe politique et médiatique française s’est émue de ce chiffre retentissant, personne n’a pris soin de le replacer dans le contexte international et historique approprié.

Tous les pays riches ont une dette publique gigantesque : 6 800 milliards d’euros pour les Etats-Unis, 6 500 milliards d’euros pour le Japon, au moins autant pour l’Union européenne. Au total, les pays les plus industrialisés ont une dette publique qui dépasse 20 000 milliards d’euros. C’est dire à quel point le modèle économique actuel est construit autour de la dette.

La raison en est qu’au-delà d’un chiffre tout rond, la dette est surtout, tant au Nord qu’au Sud, un mécanisme très subtil de captation des richesses et de domination. D’une part, son remboursement permet le transfert de sommes colossales provenant des salariés et des petits producteurs vers les principaux détenteurs de capitaux (notamment les grands investisseurs et les institutions financières privées) par l’intermédiaire de l’impôt qui porte de plus en plus sur les couches les moins favorisées. D’autre part, les politiques imposées dans la plupart des pays concernés servent l’intérêt des créanciers : libéralisation de l’économie, ouverture des marchés, privatisations des services publics, réduction des budgets sociaux, aggravation des inégalités, etc. Ici, on parle de « rigueur », d’ « austérité », de « Pacte de stabilité et de croissance ». La dette permet l’attaque contre des acquis sociaux que la France peut tout à fait continuer de financer si la volonté politique existe. Au Sud, on parlait de « Programmes d’ajustement structurel », de sinistre mémoire car les populations les ont subis de plein fouet. La dette y avait auparavant laminé toute forme de protection efficace.

Le montant de la dette publique française dépasse la dette extérieure publique des 165 pays dits « en développement » (où vivent 5,5 milliards d’individus), estimée à 1 350 milliards d’euros. Depuis plusieurs décennies, ces pays sont pris dans la spirale d’un endettement public croissant, qui est l’un des principaux mécanismes par lequel s’exercent les diktats de la finance mondialisée, des entreprises multinationales, du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cette dette a organisé un nouvel esclavage, et de nombreux réseaux militants, comme le CADTM, en réclament l’annulation totale et inconditionnelle. Les citoyens du village planétaire ne devraient pas abandonner ce terrain aux experts financiers : leurs conditions de vie quotidienne en dépendent fortement.

Au Nord comme au Sud, ce mécanisme du surendettement délibéré est clairement une source majeure de domination des populations, d’appauvrissement massif, de corruption exponentielle et de perte de souveraineté, le tout au profit de riches créanciers et de dirigeants complices. Ainsi les failles dans le développement humain sont béantes. Chaque jour, plus de 30 000 enfants décèdent dans le monde pour des raisons qui auraient pu être évitées. En France, près de sept millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, dont un million d’enfants.

Contrairement à ce qu’a déclaré Thierry Breton, ministre français de l’Economie et des Finances, il n’y a pas que trois solutions envisageables, à savoir « baisser les dépenses, augmenter la croissance et vendre des actifs non stratégiques ». Il faut rejeter en bloc à la fois le bradage de richesses appartenant à tous, l’imposture d’une croissance profondément inégalitaire et destructrice de l’environnement, et un Etat réduit au strict minimum alors qu’il doit être en mesure de protéger efficacement les citoyens.

En fait, la vraie question porte sur la voie à suivre en vue de l’instauration d’un autre modèle économique, basé sur la garantie des droits humains fondamentaux. Dans ce but, il faut exiger un audit complet de cette dette qui a profité aux seuls individus les plus fortunés, ainsi qu’une redistribution massive des richesses afin d’inverser la tendance à la réduction de l’effort fiscal des plus riches. De plus, un impôt exceptionnel sur les grosses fortunes permettrait de diminuer radicalement le poids de la dette. Complétées par une taxe de type Tobin et une taxation internationale des bénéfices des sociétés transnationales, ces mesures enclencheraient un changement de direction salutaire.

A bien des égards, le tiers-monde a été un laboratoire des politiques profondément néfastes pour les populations, sous le strict contrôle du FMI. La dette en a été le vecteur. La victoire du non au référendum sur le traité constitutionnel européen est un signe encourageant dans la lutte contre le renforcement de cette même logique en Europe. Mais prenons garde que le mécanisme de la dette est toujours solidement en place. Nous devons tourner nos regards vers les pays du Sud, non pour y lire notre propre avenir, mais pour tirer des enseignements précieux dans le combat pour un autre monde.


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