Rentrée 2006 sans marques

Halte à l’école consumériste (affiche à télécharger)
jeudi 31 août 2006

La publicité est l’une des armes par lesquelles les grandes entreprises espèrent s’emparer du "marché scolaire", et formater la jeunesse pour qu’elle consomme frénétiquement. Pour SUD, l’école laïque, c’est aussi une école sans marchands, et donc sans publicité.

Apprendre à lire avec un petit gâteau au chocolat dénommé Pepito. S’initier aux rudiments de l’économie grâce à la banque CIC. Prendre une leçon d’anatomie avec Tampax, ou avec son concurrent Allways. Découvrir à la maternelle la nutrition selon Danone. Suivre des cours d’hygiène dentaire diligentés par Colgate. Se familiariser avec la sécurité routière sous la houlette du constructeur de voitures Renault...

Vous pensez cette description sortie du cerveau d’un auteur d’anticipation un peu farfelu ? Grave erreur. Dans cette liste, rien n’est inventé, tout est réel : ces marques, et bien d’autres, sont déjà bien implantées à l’intérieur même de l’école. Cela porte un nom : le marketing scolaire. Des agences spécialisées conçoivent fiches et mallettes avec l’aide (rémunérée) de psychologues, d’enseignants, de graphistes, des talents multiples qui s’allient pour masquer un message publicitaire derrière un habillage pédagogique. Des commerciaux démarchent enseignants et établissements pour proposer, gratuitement, ce matériel prétendument pédagogique ou des kits de kermesse. De la maternelle au lycée, les marques labourent les cerveaux de nos enfants pour promouvoir leurs produits et leur image. En toute impunité, malgré le fait que l’école est officiellement un sanctuaire de « neutralité commerciale ».


Les 300 000 victimes du lapin de Colgate

Prenons l’exemple du Dr Quenottes, sympathique lapin aux deux incisives d’une blancheur éclatante. Son credo : le brossage des dents. Ses armes : une brosse à dents et un dentifrice. Son ticket d’entrée dans les classes : un discours inattaquable auquel ni les enseignants, ni les parents, ni les dentistes ne trouvent rien à redire. Quel esprit chagrin irait s’aventurer à critiquer l’hygiène dentaire, surtout quand on sait que c’est le moyen le plus efficace pour lutter contre les caries ? Rares sont les enfants qui ne connaissent pas Dr Quenottes : cela fait vingt ans qu’il s’invite sans vergogne pendant les heures de cours. Chaque année, 300 000 enfants sont « exposés à l’image et aux conseils du Dr Quenottes », explique-t-on chez Colgate. Ce que Colgate ne dit pas, c’est que derrière la bonne cause, il y a un lucratif marché : le sympathique lapin ne se contente pas de porter la bonne parole, il distribue des échantillons de brosses et de dentifrices (ce qui est strictement interdit par les textes). La preuve, s’il en était besoin, de l’objectif commercial de ces investissements en « marketing scolaire ». Impossible bien sûr de savoir combien la multinationale dépense dans ces opérations de promotion scolaire, mais l’intérêt qu’elle y trouve saute aux yeux. Rien de mieux pour harponner de jeunes consommateurs que ce personnage qui joue sur l’affectif, le côté « doudou », l’imaginaire (une vidéo raconte les palpitantes aventures du Dr Quenottes). Rien de mieux pour fidéliser ces consommateurs que de les prendre le plus jeunes possible et dans un cadre scolaire encore préservé du brouhaha publicitaire qui règne à l’extérieur. D’autant plus préservé que les multinationales se montrent tout à fait précautionneuses : Colgate s’octroie les enfants du primaire, et Signal ceux du collège. Un accord bien plus rentable qu’une concurrence effrénée, qui risquerait par trop de révéler au grand jour les féroces appétits des grandes firmes pour le marché scolaire. Ainsi, Renault et Peugeot se sont également mis d’accord pour ne pas piétiner leurs plates-bandes.

Autre exemple : pendant quinze ans, un logiciel d’initiation à la lecture a été offert gratuitement par Pepito, et même proposé au téléchargement sur le site de l’académie de Paris... Un logiciel conçu par un psychiatre, qui faisait intervenir le petit Mexicain incarnant le biscuit au chocolat pour apprendre à lire aux plus jeunes. Soixante mille enseignants l’ont téléchargé, en toute candeur. Car en quinze ans, il n’y a eu personne, ni les enseignants, ni le ministère de l’Éducation, ni les fédérations de parents d’élèves, pour se poser la moindre question sur ce logiciel publicitaire. Ce n’est que quand l’émission de France 2 « Complément d’enquête » a tiré la sonnette d’alarme que le logiciel a fini par être retiré.

Le principe de neutralité commerciale : une coquille vide

Comment en est-on arrivé là ? Faut-il le rappeler, les textes sont limpides : l’école est censée être protégée des intrusions marchandes par le principe essentiel de la « neutralité commerciale ». En clair, pas de démarchage, pas de publicité, pas de distribution d’échantillons, pas de représentant d’entreprise dans les classes. « Les maîtres et les élèves ne peuvent en aucun cas servir directement ou indirectement à quelque publicité commerciale que ce soit », est-il ainsi précisé noir sur blanc dans la dernière circulaire sur ce thème. Le problème, c’est que cette circulaire s’intitule « Code de bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire » (publiée au Journal officiel du 5 avril 2001) et prévoit donc, une fois les principes énoncés, les exceptions... En gros, elle institutionnalise l’intrusion des entreprises dans l’école. Aussi, dit la circulaire, des fiches conçues et fabriquées par une marque et distribuées aux élèves peuvent-elles comporter des logos « discrets ». Les fameuses « mallettes » pédagogiques sont autorisées, tout comme les partenariats et les jeux concours, à condition qu’ils aient un « intérêt pédagogique » et qu’ils ne dissimulent pas « une véritable opération commerciale ». Autrement dit, une vision très « moderne » de la neutralité commerciale, réduite à une coquille vide.

Lire la suite sur le site de "casseurs de pub", avec affiches à placarder sur les panneaux syndicaux.


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