Plus besoin de profs, Robien envoie Starsky et Hutch.

Thatcher en a rêvé, Robien le fait
jeudi 19 janvier 2006

Quelques jours après l’agression au couteau d’une enseignante dans une classe d’Etampes, Robien crache dans les micros. Au Grand Jury Le Figaro-RTL-LCI, dimanche 8 janvier, il insistait sur quelques changements éclairants ; au-delà d’un fourre-tout apparent, ces mesures révèlent un projet global d’une très grande cohérence, celui d’une école sans enseignant-e-s.

Dans cet esprit, Robien a en effet justifié la baisse des postes aux concours (7 500 postes en moins, 6000 en collèges-lycées, 1500 en primaire). Pour lui, finalement, ces disparitions de postes sont, en quelque sorte, compensées par d’autres arrivées...

Tout d’abord, 5000 « assistant-e-s pédagogiques », c’est-à-dire 5000 collègues précaires, mal formé-e-s, sous-payé-e-s, absolument soumis-e-s à leur patron (le chef d’établissement), sans aucune perspective d’avenir dans l’institution, et qui vont surveiller davantage les élèves (avec l’aide, au besoin, de caméras, détecteurs de métaux et autres gadgets). Les même fonctions que feu les MI/SE, en somme, mais avec des conditions de travail tellement déplorables que l’accompagnement des élèves ne pourra pas être de la même qualité... Et, bien sûr, aucun réel aménagement n’est prévu pour poursuivre des études en parallèle.

Ensuite, 300 infirmières scolaires, celles que Ferry voulait fourguer aux collectivités locales, prétendant qu’elles n’avaient aucun rôle pédagogique. Leur arrivée nous rassure beaucoup : la prochaine fois qu’une collègue sera poignardée dans sa classe, une infirmière sera sur place avant même l’arrivée des pompiers. Merci Robien !

Enfin, mesure phare (ou plutôt gyrophare) : des flics à l’école ! Robien maintient son projet délirant : « il n’y a pas de honte à ce que les services publics travaillent ensemble et dans des lieux communs », a déclaré le ministre. « Il n’est pas anormal que, devant une priorité qui doit être éducative, on fasse tout ce qu’il faut avec les services publics de l’Etat pour que la transmission du savoir puisse avoir lieu [...]. Le prix de cette sérénité » peut passer par « une fois, deux fois, trois fois par semaine, la présence d’un policier en civil qui tienne une permanence dans un bureau pour que les professeurs puissent davantage confier leurs craintes, et le cas échéant leurs soupçons ». Des flics qui seraient donc à la fois les psychologues et les coachs des enseignant-e-s, dans le cadre d’une incitation à la délation qui est la négation même de la relation de confiance sur laquelle repose tout acte éducatif.

Effectivement, s’il s’agit seulement d’inculquer un vague « socle commun », dans le cadre d’une école publique à l’anglaise qui lâche des gamin-e-s de 14 ans en apprentissage, à quoi bon recruter des enseignant-e-s ? Il suffit de presser encore davantage le citron aux dernier-e-s représentant-e-s d’une espèce en voie de disparition... C’est ce que Robien compte faire : « les syndicats disent en général : « on manque de moyens » ; je crois qu’on peut sortir du dilemme des moyens, l’éducation nationale, c’est du quantitatif mais aussi du qualitatif ». Donc les profs seront bivalent-e-s, afin « d’optimiser l’Education nationale ». Elles/Ils remplaceront les absent-e-s au pied levé, feront des heures supplémentaires à gogo, et « l’école ouverte » sur les congés scolaires. Avec le salaire au mérite, les récalcitrant-e-s seront puni-e-s, et les plus serviles rouleront carrosse.

Lorsque Robien parle d’une réforme de l’éducation prioritaire à moyens constants, nous savons ce que cela signifie. Là où la situation est explosive, quelques bouts de ficelle vont permettre de repousser un peu l’embrasement. Ce sont les fameux EP1 "ambition réussite". Dans l’académie de Lyon, 9 collèges sont proposés à la labellisation "Ambition Réussite". Dans l’Ain : Jean Rostand (Arbent). Dans la Loire : Marc Seguin (Saint Étienne). Dans le Rhône : Victor Schoelcher (Lyon 9), Alain (Saint Fons), Henri Barbusse et Jacques Duclos (Vaulx en Velin), Elsa Triolet (Vénissieux), Jean Moulin (Villefranche), Jean Vilar (Villeurbanne).

Ce « rééquilibrage » entraînera mécaniquement une diminution des moyens dans les autres établissements. Les conditions d’étude vont se dégrader, et les enfants des classes moyennes iront dans le privé, à la fois pour la scolarité elle-même, mais aussi pour l’accompagnement des élèves (aide aux devoirs, cours de soutien : le marché explose). Sous prétexte d’économies et d’optimisation, il s’agit de vider l’école publique de ses ambitions démocratiques, de son personnel, et finalement de ses élèves. Ce schéma prépare exactement ce que Le Pen propose avec son « chèque éducation » : les parents-clients choisissent librement l’établissement scolaire qui touchera l’argent public correspondant aux frais de scolarité de leurs enfants, et font jouer la concurrence. Quelle société préparons-nous lorsque l’école publique se met à fonctionner comme un Mac Do ?

Nous voulons des recrutements de titulaires dans tous les corps de métier, en particulier pour assurer des remplacements et développer le travail en équipe, le maintien des collègues TOS dans la fonction publique d’Etat, le rétablissement du statut de MI/SE, une formation initiale et continue de qualité pour tou-te-s, la fin de la précarité (titularisation immédiate et sans concours), la concertation sur le temps de service, des moyens pour des projets éducatifs de qualité, pas de classe à plus de vingt élèves, deux enseignant-e-s par classe au besoin, la scolarisation obligatoire de 2 ans à 18 ans, dans le cadre d’un service public laïc radicalement amélioré.

Monsieur le ministre, c’est précisément parce que nous voulons faire du qualitatif, et apporter à chaque enfant de ce pays la meilleure éducation possible, en tenant compte des besoins particulier de chacun-e, que nous refusons de nous voir transformé-e-s en équipier-e-s polyvalent-e-s, devenu-e-s les auxiliaires des flics et des juges, fliqué-e-s nous-mêmes par une hiérarchie à l’affût qui, sous prétexte d’économie, sacrifie l’avenir de notre société.


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