LES JEUNES CHERCHEURS CONDAMNES A VIEILLIR SUR LEUR GALERE ?

Collectif des Jeunes Chercheurs Contre la Précarité
samedi 17 septembre 2005

Le CNRS a annoncé que les "concours" de recrutement de chargés de
recherche de 2ème classe (CR2, c’est-à-dire le premier échelon de
recrutement des chercheurs) ne comporteront plus de limite d’âge (1). On
peut juger que cette mesure est justifiée, dans la mesure où certains
docteurs étaient injustement exclus de ces "concours" au seul motif de
leur âge.

* Père Ubu peut continuer à rigoler *

Cependant, tant que la pénurie de postes statutaires perdurera (cela
concerne aussi bien les techniciens, les ingénieurs et que les
chercheurs), les recrutements se feront dans des conditions ubuesques (2).

La condition préalable à toute réforme des "concours" est une politique
d’embauche massive et planifiée. Sans cela aucune mesure ne saurait
restaurer les conditions minimales pour qu’une campagne de recrutement
juste soit opérée.

* Augmentation de la précarité *

Les jeunes chercheurs (dont la plupart ont déjà travaillé plusieurs années
comme chercheur ou comme enseignant-chercheur hors statut et ont produit
de nombreuses publications scientifiques) risquent de subir des conditions
de recrutement encore plus difficiles.

Alors que le système est déjà complètement engorgé, l’abrogation de la
limite d’âge entraînera une augmentation du nombre de candidats, ainsi
qu’une élévation supplémentaire de leur âge moyen.

Ceci aura pour effet d’allonger encore la file d’attente. La précarité
post-doctorale va donc continuer à se généraliser, et sa durée moyenne va
augmenter.


* Piège post-doctoral *

La situation actuelle est déjà très grave : une étude récente du CEREQ
(Centre d’études et de recherches sur les qualifications) note qu’en 2004,
trois ans après leur thèse, 24% des docteurs ont un emploi précaire et 11%
sont au chômage (3).

Il est à craindre que la généralisation et l’allongement de la durée du
post-doctorat (ou d’autres formes d’emploi précaire) n’arrangeront rien et
favoriseront au contraire la multiplication des voies sans issues.

En effet, une étude menée par l’ambassade de France aux Etats-Unis (4)
montre que le post-doctorat se révèle être un "substitut à l’emploi stable
introuvable" qui pénalise plus qu’il n’apporte de bénéfices :

- Le post-doctorat n’augmente pas les chances de trouver un emploi :
36% des post-doctorants ne trouvent toujours pas d’emploi stable dans les
6 ans qui suivent leur thèse (4).

- L’augmentation de la durée du post-doctorat fait même diminuer les
chances de trouver un emploi : les docteurs ayant fait un post-doctorat de
4 ans et plus représentent 48,1% de ceux qui cherchent un emploi, et
seulement 17,6% de ceux qui ont trouvé un emploi (4). La probabilité de
chercher un emploi pendant plus d’un an est de 30% après un post-doctorat.
En additionnant un deuxième post-doctorat hors Amérique du Nord, cette
probabilité monte à 60% (4).

Les « jeunes chercheurs » condamnés au post-doctorat ont des cheveux
blancs à se faire : ils vont vieillir... mais resteront toujours
précaires.
Ils peuvent aussi s’inquiéter quant à la dégradation de leurs conditions
de travail. Car, quel que soit le milieu professionnel, la constitution
d’une "armée de réserve de main-d’oeuvre docilisée par la précarisation et
par la menace permanente du chômage" a toujours les mêmes conséquences :
exacerbation des rivalités individualistes, et développement du travail
dans l’urgence, le stress et la souffrance (5).

Couplé à l’ANR (Agence Nationale pour la Recherche), aux pôles de
compétitivité, au "contrat nouvelle embauche", et à bien d’autres mesures,
le projet de précarisation de l’emploi continue d’avancer et ne cesse
d’empoisonner nos vies.

Collectif des Jeunes Chercheurs Contre la Précarité, Septembre 2005
http://jccp.ouvaton.org/

Notes

(1) : Cette décision fait suite à l’ordonnance gouvernementale signée cet
été afin de supprimer les limites d’âges dans les concours de la fonction
publique.
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=FPPX0500189R
http://www.sg.cnrs.fr/drh/concours/cherch.htm

(2) : A titre d’exemple illustrant les dérives induites par la pénurie de
postes et de moyens, on peut citer tel directeur de laboratoire qui a
déclaré récemment qu’il était obligé d’être expert à l’ANR, sans quoi,
« [il] prend le risque que [ses] concurrents le soient, poussent leurs
poulains ou coulent [ses] propositions. »
Libération, 09 septembre 2005
http://www.liberation.fr/page.php?Article=322398

(3) : Le taux de chômage des docteurs, trois ans après l’obtention de leur
diplôme est identique à celui des titulaires d’un DESS, mais deux fois
supérieur à celui des titulaires d’un diplôme d’ingénieur.
"De la thèse à l’emploi. Les débuts professionnels des jeunes titulaires
de doctorat"
Lettre mensuelle du CEREQ, n° 220 juin 2005
http://www.cereq.fr/pdf/b220.pdf

(4) : "Enquête de l’ambassade de France aux USA sur les post-doctorants
aux USA".
Pour lire l’enquête complète, il faut s’inscrire là :
http://www.science-odyssee.org/resultats_enquete_post-docs/inscription.asp

(5) : "L’essence du néolibéralisme"
Pierre Bourdieu. Le Monde diplomatique, mars 1998.
http://www.monde-diplomatique.fr/1998/03/BOURDIEU/10167


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