Allez les filles !

lundi 12 avril 2004

En ce moment les mauvais coups ne manquent pas : chômage, précarité, difficultés d’accès aux soins et au logement, allongement de la durée de cotisation retraite, dégradation des services publics de santé et d’éducation... Et ce sont toujours les femmes qui sont aux premières loges pour prendre les mauvais coups. Militant-e-s des droits des femmes (tout autant que des « Droits de l’Homme »), nous avons du boulot !

La France : les hommes au pouvoir [1]

Le pouvoir politique appartient aux hommes : 88,7 % des élus sont des hommes (94 % au parlement, ce qui montre que les élues sont généralement investies de mandats « subalternes »). L’information appartient aux hommes : 63 % des journalistes sont des hommes. Et seulement 6 % des rédacteurs en chef sont des rédactrices. Car dans les médias comme ailleurs... Les entreprises sont dirigées par des hommes : partout, les responsabilités professionnelles échoient davantage aux hommes qu’aux femmes. Peu d’hommes sont enseignants ; c’est en maternelle qu’on en trouve le moins, et dans l’enseignement supérieur qu’on en trouve le plus (50%). Cela est dû, en particulier, au faible niveau de rémunération, et au peu de prestige social des métiers de l’éducation. La science appartient aux hommes : 76 % des physiciens, 80 % des mathématiciens, 68 % des chercheurs du CNRS sont des hommes. La science est l’un des outils majeurs pour construire le monde de demain : c’est un véritable outil de pouvoir qui échappe, lui aussi, aux femmes. Les études scientifiques représentent également la filière d’excellence.

Les femmes en galère [2]

En France, quand 22 % des hommes de moins de 25 ans étaient chômeurs, 32 % des femmes du même âge étaient chômeuses. 85 % des temps partiels sont assurés par des femmes. Si les femmes occupent 50 % des postes d’enseignement dans le supérieur, 90 % des titulaires sont des hommes. Dans l’Union Européenne, un chômeur sur deux est indemnisé, contre une chômeuse sur trois seulement. Les femmes aujourd’hui en France, représentent 60 % des demandeurs d’emploi, perçoivent en moyenne un salaire 25 % inférieur aux hommes, et une retraite 73% moins élevée qu’eux. Actuellement, parmi les retraités, seulement 39 % des femmes (contre 85% des hommes) sont parvenues à faire valider une carrière complète. Cela s’explique facilement par la division sexuée du travail domestique, qui continue d’imprégner la vie quotidienne : les femmes sont encore trop souvent considérées comme plus aptes à fournir des soins aux proches (parents âgés...) ou à élever les enfants. Ainsi les femmes assurent toujours 80% des tâches domestiques et des activités en matière d’éducation des enfants !

Avec l’allongement de la durée de cotisation pour une pension retraite à 40, 41, puis 42 annuités, on peut prévoir facilement que la situation sera aggravée. Mais le comble de l’injustice est dans le système de décote : 5 % par année manquante (seuil que le gouvernement prévoit d’atteindre aussi dans le privé). La pénalisation des années manquantes touche spécialement les femmes car actuellement elles cotisent, en moyenne, 30,5 ans. Cette durée de cotisation a régressé ces dernières années, puisque les mesures d’allocation parentale d’éducation (applicables à 3, puis 2, puis1 enfant) ont incité les femmes à se retirer du marché du travail. A l’échelle de l’Europe, la discrimination se reproduit malgré les lois et directives : sur 375 millions d’habitant-e-s, 65 millions de personnes sont en situation de grande pauvreté, et la plupart sont des femmes.

Et l’école dans tout ça ?

Nous vivons dans une société globalement sexiste, et l’Education Nationale, en tant que secteur professionnel, et en tant que lieu de préparation à la vie adulte, est traversée par le sexisme de la société. Pire : loin de lutter efficacement contre lui, l’école renforce et transmet le sexisme... Malgré les lois égalitaires qui régissent le pays et son administration publique, malgré la forte proportion de femmes dans les métiers de l’éducation, et les velléités « humanistes » de l’enseignement, la discrimination contre les femmes reste massive.

L’éducation française est sexuée : elle participe à une détermination du rôle social des individus selon des critères strictement sexuels. Les filles sont tolérées dans la sphère publique (politique, professionnelle, associative, syndicale, médiatique...), où elles exercent essentiellement des fonctions subalternes, discrètes, peu valorisantes et peu valorisées. Le même mouvement éloigne les garçons des responsabilités à prendre dans la sphère familiale et privée. Avec les familles, la publicité et les médias, l’école construit cette séparation culturelle, et ces archétypes masculins et féminins auxquels les enfants sont sommés de se conformer. Dans leurs classes, les enseignant-e-s de science consacrent en moyenne 20 % de temps en plus aux garçons. Les filles sont plus nombreuses que les garçons dans l’enseignement secondaire, mais représentent 41 % des élèves dans la filière d’élite (série scientifique), et 81 % des élèves de série littéraire. Les représentations des enfants se construisent aussi dans l’école : ils peuvent vérifier, la plupart du temps, que les femmes sont plus nombreuses en bas de l’échelle hiérarchique (ATSEM, agents de service...), et que les rares hommes employés par l’Education Nationale occupent souvent les postes à responsabilité (directeur, inspecteur, coordinateur...). Ils constateront que le nombre d’enseignants hommes augmentera au fil de leurs années d’études : plus les études deviennent « sérieuses », et plus les enseignants sont des hommes. Qui essuie les fesses des enfants de maternelle ? Des femmes, presque toujours. Qui donne des ordres à la maîtresse et répare les ordinateurs ? Des hommes, presque toujours.

Luttons, éduquons !

Comme dans des sociétés que certain-e-s qualifient de « moyenâgeuses » ou de « sauvages », en France, la sphère publique appartient essentiellement aux hommes, et les femmes sont, peu ou prou, opprimées socialement. Il n’est pas question pour nous, professionnel-le-s de l’éducation, d’accepter cette réalité. Il n’est pas question non plus de tomber dans les travers d’un féminisme caricatural, ni de considérer « la Femme » comme une éternelle victime innocente et « l’Homme » comme un méchant oppresseur systématique. A partir de la réalité d’un système de pensée sexiste (et homophobe, c’est un problème connexe), dont nous sommes tou-te-s complices, il s’agit de réfléchir à ce que nous pouvons faire, au quotidien, dans notre métier, pour travailler à une véritable égalité des droits entre les femmes et les hommes, et au respect intégral des identités féminines et masculines. L’éducation est le principal levier d’une évolution réelle des mentalités : à nous de relever le défi d’une éducation antisexiste, dans une Education Nationale qui mettrait enfin en pratique, concrètement, ses grands discours de refus des discriminations.

Avec la politique actuelle du gouvernement et la construction de l’Europe, il faut être plus que jamais mobilisé-e-s et avoir systématiquement en tête que ce sont les femmes qui paient le prix fort. Le combat pour les droits des femmes est donc particulièrement d’actualité. A Lyon, plus de 20 organisations, syndicats et associations (dont SUD éducation) ont été signataires de l’appel à une manifestation le 6 mars 2004, rappelant l’urgence à relancer un travail unitaire pour préserver les droits des femmes dans tous les domaines. Plus de 250 personnes étaient présentes. Un succès mesuré certes mais certainement un début à prendre en considération pour le lancement d’un collectif local pour les droits des femmes. Pour voir évoluer les mentalités, sortir des stéréotypes traditionnels, faire disparaître le machisme et le patriarcat, pour que les femmes sortent de leur position de victimes, pour que chacune et chacun s’empare de ce problème, l’école aussi doit se mobiliser. C’est le sens du « réseau d’éducation contre le sexisme et l’homophobie » que nous essayons de construire à Lyon, avec d’autres syndicats et mouvement d’éducation populaire. La lutte contre le sexisme, contre les préjugés que nous véhiculons tou-te-s est avant tout un combat urgent à mener, au quotidien, dans nos familles et sur nos lieux de travail.

EB, SP, AL


[1Sources = Manière de Voir, mars/avril 1999.

[2Sources = 7ième formation annuelle nationale "droit des femmes", organisée par l’intersyndicale CGT, FSU, SOLIDAIRES (= nous !), les 11 et 12 mars 04, à Saint Denis.


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